Environnement

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Préserver le patrimoine historique et naturel : un défi à la hauteur du château d’If

Quel lien peut-il bien avoir entre le plus petit reptile d’Europe et les remparts de l’île d’If ? Un chantier de restauration ! Découvrez dans la suite de cet article comment le chantier des murs entourant l’île a permis de préserver une espèce rarissime, le Phyllodactyle d’Europe.

Patrimoine et Environnement

Les remparts et leurs occupants : une cohabitation possible ?

Elevés à partir du XVIe siècle et régulièrement mis à mal par le climat capricieux de l’île (mistral, embruns, intempéries...), les remparts avaient besoin d’être consolidés pour éviter de futurs écroulements car ils commençaient à sérieusement s’effriter. De mars 2019 à octobre 2021, un chantier de restauration des remparts entourant toute l’île a été entrepris sur If.

Contre toute attente, il s’avère que des résidents inattendus vivent bien confortablement dans les fissures des remparts dégradés : les Phyllodactyles d’Europe, minuscules geckos à la peau perlée légèrement transparente. Ces espèces protégées fuient la lumière du jour, on dit d’elles qu’elles sont lucifuges (l’éclairage empêche leur reproduction). Elles vivent exclusivement la nuit. Le chantier de restauration nécessitait la réfection (réparation) des enduits à cause notamment de l’érosion des joints.

phylodactile (petit lézard transparent) posé sur un doigt, précisément un pouce.
Phylodactile

© CMN

Un chantier de restauration qui préserve le patrimoine bâti et naturel

Pour rénover le mur d’escarpe de l’île d’If tout en préservant le Phyllodactyle d’Europe, il a fallu déloger temporairement l’espèce au fur et à mesure de l’avancement des travaux. Ainsi, des experts en biodiversité sont intervenus de nuit, à la lampe torche, et ont transféré chaque individu vers un gîte artificiel temporaire éclairé, pour éviter qu’il ne fuie. Une fois le morceau de rempart terminé, les Phyllodactyles ont pu rejoindre leurs nouveaux abris faits d’une superposition de 4 tuiles récupérées sur l’île et intégrées directement dans les murs. Ce travail accompli avec beaucoup de rigueur et de minutie a nécessité 44 sessions de capture temporaire ! Depuis 2021, et ce jusqu’en 2041, les populations de Phyllodactyles font l’objet d’un suivi annuel afin de s’assurer du maintien de l’espèce dans son nouvel environnement.

Des matériaux respectueux de l’environnement et de la tradition ont été utilisés pour la rénovation. Un mortier composé de chaux et de ciment naturel sont les principaux ingrédients. Le ciment naturel car il combine plusieurs propriétés essentielles pour ce type de chantier : résistance en milieu marin, compatibilité avec la chaux, couleur ocre adaptée au monument.

niche réalisée avec des tuilles incrustée dans le remparts en pierre.
niche pour les phylodactiles

© A.Gorioux / CMN

Chantier de restauration et préservation des patrimoines : un cercle vertueux

Les patrimoines naturels et architecturaux sont intimement liés. Sans l’environnement naturel exceptionnel de l’île d’If, le château n’aurait jamais existé. De même, sans la présence du château, la faune et la flore de l’île seraient différentes : la présence de remparts permet à l’île d’abriter et de permettre la survie d’espèces extraordinaires à l’image du Phyllodactyle

Ce chantier de restauration qui allie préservation du patrimoine matériel et préservation d’une espèce protégée est une première. On espère qu’il montrera la voie à d’autres institutions soucieuses de préserver à la fois leur patrimoine matériel et naturel.

échaffaudage disposé le long du remparts et du rocher de l'île d'If
Chantier de restauration des remparts.

© A.Gorioux / CMN