Histoire

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Le top 3 des prisonniers célèbres

Le 1er niveau du château d'If, la coursive qui dessert l'ensemble des cellules.

Nous entendons par là les prisonniers qui ont réellement existé… Donc, désolé pour les inconditionnels, pas de Comte de Monte-Cristo… dans cet article du moins ! Mentions honorables pour un futur roi de Pologne, un conspirateur du XVIe siècle et un courtisan du XVIIe siècle.

Le top 3

Numéro 1 : le comte de Mirabeau

Cette grande figure de la Révolution Française, premier symbole de l’éloquence parlementaire et surnommé en conséquence « la Torche de Provence », séjourne au château d’If quelques mois entre 1774 et 1775. Honoré-Gabriel Riqueti (de son vrai nom) a tout juste 25 ans et n’est pas encore connu comme « l’Orateur du peuple ». Qu’a bien pu faire cet aristocrate provençal pour mériter un tel sort ?

Récemment marié à Émilie de Cauvet de Marignane, le jeune homme est déjà couvert de dettes et son nom, associé à une tentative d’assassinat, fait scandale. Son nom… Celui de sa famille… Son père l’a fait interdire d’emprunt et le Roi l’a obligé à se retirer sur ses terres. Las ! Il s’enfuit pour rejoindre sa sœur à Grasse mais est arrêté et mené au château d’If en septembre.

Le jeune libertin ne perd pas son temps dans la prison marseillaise. Profitant dans sa « pistole », de conditions d’enfermement clémentes, il rédige son Discours sur le despotisme qui dénonce l’arbitraire du pouvoir royal. Autorisé à poursuivre ses échanges épistolaires, il n’en oublie pas ses penchants polissons et séduit la cantinière de la forteresse ! Déplacé au fort de Joux, beaucoup plus frais et inconfortable, il connaît aussi à plusieurs reprises le donjon de Vincennes.

Devenu une des grandes figures des débuts de la Révolution française, député du Tiers État d’Aix-en-Provence et de Marseille, il se distingue en janvier 1790 par un grand discours réclamant la libération des prisonniers du château d’If. Il a bonne mémoire, Honoré ! Il meurt le 2 avril 1791.

Portrait du comte de Mirabeau
Portrait du comte de Mirabeau

© Gallica / BNF

Numéro 2 : le général Kléber

Les plus érudits reconnaîtront ce général de grand talent de la Révolution française et du Directoire, mais s’étonneront : « Kléber n’a jamais été enfermé au château d’If ! » Certes, il a connu une période de disgrâce à l’issue de la deuxième campagne d’Allemagne, mais n’a jamais vraiment été inquiété. Alors ? Alors, c’est vrai, le strasbourgeois n’a pas été incarcéré à Marseillede son vivant ! Mais sa dépouille est restée au château d’If pendant de longues années. Vous allez découvrir une drôle d’histoire...

Participant à la campagne d’Égypte et commandant désigné après le départ de Bonaparte en 1798, Kléber est assassiné le 14 juin 1800. Voilà qui va bien embêter le futur Empereur, jaloux du prestige de l’alsacien et inquiet de son aura républicaine. Que faire de la dépouille ? Pas question de lui célébrer des obsèques nationales, ni même de lui donner une sépulture en France qui risquerait de devenir un lieu de pèlerinage républicain. Le corps est embaumé et disposé dans un cercueil de plomb. Puis rapatrié en France en 1801 avec les dernières troupes quittant l’Égypte. Discrètement déposé au château d’If pour cause de quarantaine, il y est fort opportunément oublié par Napoléon. Après quelques péripéties au retour des Bourbons, le corps de Jean-Baptiste Kléber regagne finalement sa ville natale en 1818. Dernière petite remarque : le meilleur ami du général était Thomas Dumas, lui aussi militaire et père d’un certain Alexandre…     

Portrait du Général Kléber
Portrait du Général Kléber

© Gallica / bibliothéque nationale universitaire de Strasbourg

Numéro 3 : le commandant Chataud

A priori, ce nom n’évoque rien de particulier, si ce n’est aux spécialistes de Marseille et de la Provence. Et pourtant… Jean-Baptiste Chataud, commandant du Grand-Saint-Antoine, est enfermé au château d’If de septembre 1720 à septembre 1723. 1720 ? Bien sûr, la terrible peste ! Le commandant a été accusé d’avoir apporté ce fléau à bord de son navire. Retour sur les faits.

25 mai 1720, le Grand-Saint-Antoine entre au port de Marseille en provenance du Liban. Sa cargaison : de précieuses étoffes de soie et des balles de coton. Mais aussi la peste ! Pourtant, à son arrivée, le capitaine signale neuf décès, dont le chirurgien, pendant le voyage. L’affaire est grave. Le bateau est bien placé en quarantaine mais, malgré un nouveau décès le 27 mai, toutes les marchandises sont débarquées aux infirmeries. La foire de Beaucaire se tient bientôt… Les déclarations de Chataud sont en outre falsifiées, attribuant les disparitions à une mauvaise alimentation. Pression des armateurs ?

Nouveaux décès en juin : on s’inquiète très sérieusement. Le navire est déplacé, les cadavres enterrés dans de la chaux vive et leurs effets brûlés. Trop tard… Les marchandises, elles, ont bien atteint Marseille. « Le mal qui répand la terreur », pour reprendre les mots de La Fontaine, se propage à la vitesse de l’éclair. On estime aujourd’hui les décès à plus de 100 000 personnes, soit un quart de la population provençale décimé en trois ans…

Les responsables ? Un des échevins de la ville, également propriétaire d’une partie de la cargaison, porte sans doute une part de responsabilité. Tout comme les intendants sanitaires, certainement laxistes. Et Chataud dans tout ça ? Trois ans d’enfermement au château d’If, ce qui lui sauve peut-être la vie. Juste retour des choses. Sa non culpabilité est admise. Il mourra en 1728.

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