Un rhinocéros à l'origine de la construction ?

gravure réalisé par l'artiste Durer qui représente un rhinocéros.

Quand on évoque les espèces animales présentes au château d’If, c’est surtout le célèbre « gabian » de Marseille qui vient à l’esprit ! Une toute autre histoire vous attend. Fermez les yeux et remontons le temps : nous voici en 1516, juste un an après Marignan...

À l'origine de la construction du château d'If

L’après Marignan

François Ier vient de remporter, en septembre 1515, la célèbre bataille de Marignan, près de Milan. Trois mois sont ensuite nécessaires pour organiser la conquête. Enfin, le retour en France.

Sa femme, sa mère et sa sœur l’attendent pour un pèlerinage à Saint Maximin en janvier 1516. La pieuse action réalisée, le roi se rend à Marseille où les festivités vont bon train.

Le jeudi 24 janvier 1516 est une grande date pour l’histoire de notre château. François se rend sur If pour y admirer... un rhinocéros ! Oui, un rhinocéros !

portrait peint de François 1er — © Hervé Lewandowski / Centre des monuments nationaux

Au commencement ... les Portugais

Que fait cet animal sur le petit îlot phocéen ? Il est de passage !

Depuis maintenant un siècle, les Portugais se sont lancés à l’assaut des océans. Vous savez, « les grands découvertes », Vasco de Gama, le Cap de Bonne Espérance… Enfin, les Portugais atteignent les Indes tant convoitées en 1498 pour y commercer les précieuses « épices ».

Et là, il faut entretenir de bonnes relations avec les populations locales, échanger des cadeaux… Le sultan Muzafar offre un rhinocéros au gouverneur Alfonso d’Albuquerque. Lequel s’empresse d’expédier l’imposant pachyderme à son souverain, le roi Manuel Ier.

photographie en noir et blanc de la tour de Belem à Lisbonne — Tour de Belem, 1880
© Olivier (fonds) - RGDS / Centre des monuments nationaux

Un rhinocéros voyageur

Premier défi, immense : acheminer l’animal sur des milliers de kilomètres avec d’énormes réserves de nourriture. Pari gagné : le convoi atteint Lisbonne sain et sauf. C’est l’époque où on construit la fameuse Tour de Belem. Le rhinocéros trouve sa place parmi les gargouilles. Mais ceci est une autre histoire…

Au bout de quelques semaines, le bon roi Manuel se lasse : qu’est-ce qu’il mange, ce rhinocéros ! De plus, il ne participe pas ou peu aux combats de bêtes sauvages… Et voilà Manuel qui expédie le mastodonte au pape dans le cadre des négociations sur les conquêtes coloniales.

Direction Rome. Mais avec une étape marseillaise.

La raison d'État

C'est là que nous retrouvons François Ier.

Entre une bataille d’oranges, des spectacles de danses et des réceptions officielles, le fastueux prince de la Renaissance ne perd pas le nord. En se rendant à Marseille, il constate que la ville, récemment intégrée au domaine royal, est bien mal défendue. Le sac par les Aragonais en 1414 n’est pas si loin. Il faut protéger le grand port ouvert sur l’Orient.

François décide alors les constructions de deux forteresses : la forteresse terrestre de Notre-Dame de la Garde, sur la colline du même nom, et la forteresse maritime du château d’If.

plan de la ville de Marseille du 16ème siècle en noir et blanc — Plan de la ville de Marseille du XVIème siècle
Gallica / bnf

Et le rhinocéros ?

Le navire portugais quitte Marseille en février 1516. Hélas, une terrible tempête survient dans le golfe de Gênes au large de la Toscane et l’embarcation sombre corps et biens. Le malheureux animal, entravé pour le transport, ne peut se libérer et périt noyé.

On dit que le cadavre fut retrouvé et empaillé. On perd sa trace quelques années plus tard… Restent aujourd’hui la magnifique gravure de Dürer et cette réflexion : peut-être que sans la présence de cet animal, le château d’If n’existerait pas !